Mon pere avait coutume de dire qu'un chirurgien peut se raser le visage a l'eau froide. Maintenant que je suis sur le point de devenir professionnelle, je realise que j'ai ferme les yeux pendant des annees sur ma propre souffrance. Je travaillais toute la nuit, je sautais des repas, je me penchais inconfortablement jusqu'a en avoir des spasmes douloureux au dos; puis je buvais un espresso, j'appliquais mon rouge a levres et j'allais bruncher. J'ai accepte de plein gre ce vieux pacte hierarchique un peu fou, lequel persiste malgre les campagnes de la societe moderne en faveur de l'egalite, du bien-etre et de l'equilibre. J'ai glorifie la vocation de medecin.
De jeunes etudiants en medecine, cherchant a dompter leur propre volonte, me consultent pour savoir quoi faire, oU aller et quoi manger. Ils sont si desireux de plaire, a defaut de quoi on les juge severement : pour qui se prennent-ils, a demander une journee de conge? Les medecins n'ont pas le temps d'etre malades. Ils n'ont pas le temps d'etudier pour un examen.
Je suis sur le point de quitter ce systeme dans lequel on me disait constamment quoi faire, oU aller et quand manger....