Dans les systemes de sante canadiens, le degre d'urgence est depuis longtemps le premier facteur pris en consideration dans la priorisation des patients. Dans le contexte de l'affectation des ressources en chirurgie, les interventions urgentes ont la priorite sur les interventions non urgentes (planifiees) (1). Cependant, le fait de donner priorite aux urgences, particulierement lorsque les ressources sont limitees, mene a la creation de 2 listes d'attente: une liste de cas urgents qui se renouvelle perpetuellement, et une liste beaucoup plus longue d'interventions planifiees qui sont souvent reportees au-dela du temps d'attente raisonnable, ce qui entraine des issues defavorables pour les patients. Nous analyserons ici ce << dilemme des urgences >>, et explorerons des solutions possibles.
Deux types de cas vus en chirurgie sont affectes negativement par une interpretation etroite du concept d'urgence. Le premier concerne les interventions planifiees qui finissent par devenir urgentes, et dont les issues pour le patient sont alors plus defavorables que s'il avait ete traite plus tot. Lorsque les delais s'allongent, un nombre croissant de patients dont l'intervention etait planifiee tombent dans la categorie des urgences chirurgicales. Une etude de cohorte publiee en 2022 semble indiquer que les retards dans la detection des cancers entraineront une hausse de la proportion de cancers consideres << non resecables ou incurables au moment de la consultation (2) >>. Ce n'est qu'une << question de temps avant que les interventions chirurgicales planifiees deviennent urgentes (3) >>, ce qui vient aloudir le fardeau pesant sur un systeme aux ressources deja limitees (4). Le defi est alors de determiner un seuil a partir duquel on parle d'urgence, afin que les ressources en santes soient correctement attribuees.
La deuxieme categorie concerne les cas dont l'evolution ne les fera jamais passer au stade d'urgence. Pour ces patients, les consequences du temps d'attente ne seront pas une question de vie ou de mort ou le risque de perdre un membre, mais ils devront composer de maniere permanente avec une qualite de vie fortement diminuee, dans des aspects comme le developpement, la mobilite, la fertilite ou la sante mentale. Les retards peuvent accroitre la complexite de l'intervention chirurgicale ou entrainer une hausse du risque de complications ou d'issues postoperatoires defavorables (5-7). Par ailleurs, les retards chez les patients pediatriques qui ont besoin d'interventions a court delai correspondant a un stade de developpement critique pourraient entrainer des consequences permanentes.
Constatant le probleme des listes d'attentes chirurgicales, des leaders des soins de sante ont demande qu'on repense la prestation des soins chirurgicaux au Canada (8-10). Compte tenu du dilemme des urgences que nous avons decrit, nous proposons un plan en plusieurs etapes pour ameliorer l'acces aux interventions planifiees sans pour autant abandonner les cas urgents.
La premiere etape sera de recadrer les concepts d'<< urgent >> et de << planifie >> en contexte chirurgical. L'urgence est un concept relatif, et les interventions planifiees ne sont pas facultatives. Les designations << urgent >> et << planifie >> ne sont pas 2 classifications independantes de l'importance chirurgicale. Il s'agit...